Cela fait maintenant plus de quatre ans que les deux ONG grenobloises Tetraktys et l’Ecole de la Paix se sont rendues pour la mairie de Crolles à Zapatoca en Colombie afin de proposer aux maires des deux villes un projet de coopération décentralisée. Je suis le troisième jeune français ayant eu la chance de prendre part à cette aventure au travers d’une mission de service civique grâce à laquelle j’ai vécu six mois dans cette région magnifique du Santander. J’ai été le témoin de tout le travail effectué depuis et j’ai aidé à réaliser les actions de cette année. Je vous propose, pour mon dernier carnet de bord, de vous emmener admirer les réalisations de cette coopération.
N’étant pas originaire de Crolles, j’ai débuté mon service civique en visitant la ville et en participant à l’activité des différents services de la mairie. En apprenant que j’étais le nouveau jeune qui partait représenter nos couleurs de l’autre côté de l’Atlantique, de nombreux Crollois ont joyeusement pu me raconter leur rencontre avec les Colombiens venus en septembre 2018. Ils avaient fait connaissance avec les jeunes de Zapatoca et leurs correspondants français de la MFR de Crolles au travers des nombreuses activités effectuées durant cette visite de deux semaines. Crollois et Colombiens ont échangé sur leur culture à travers la cuisine, le sport, la danse, la musique et bien d’autres choses encore. On trouve toujours sur les murs de la Mare aux enfants les fresques témoignant du passage de la classe colombienne. Pour vous remémorer ce voyage, je vous invite à lire le dernier carnet de bord de Rachel, celle qui m’a précédé comme service civique.
En arrivant à Zapatoca, j’ai d’abord visité une grotte splendide à deux pas du village, une des rares aménagées qui puisse être visitée par des touristes dans le pays. Si le village est en passe de faire de ce site sa première attraction touristique, c’est bien grâce à Tetraktys. L’ONG a accompagné au travers de la coopération tous les travaux d’aménagements. Quatre ans plus tôt il était à peine possible d’y accéder.
J’ai aussi pu randonner sur les chemins de Lengerke, des chemins pavés au XIXème siècle afin de se déplacer à dos de mule dans tout le département. Ces chemins traversent de nombreux villages, les canyons arides et les forêts luxuriantes du Santander. Les institutions départementales ont décidé de les réhabiliter pour que viennent les randonneurs amateurs de paysages vertigineux. Forte de son expérience dans ce domaine, Tetraktys accompagne ce processus et a aidé à créer un système de signalisation international.
En six mois, j’ai assuré pour Crolles un suivi des différentes institutions collaborant avec la coopération. Le village s’enorgueillit d’avoir aujourd’hui un point d’information touristique et un service de la mairie dédié à la culture et au tourisme pour accompagner le développement de son économie croissante. Les Français ont aidé à le construire et j’ai travaillé ces six mois avec son personnel. Ensemble nous avons organisé des rencontres entre les services municipaux des deux villes, entre les radios locales, des institutions développant le tourisme ou encore les théâtres. Nous avons aussi organisé un concert en visioconférence entre les écoles de musique afin que les jeunes découvrent quels instruments et quels genres musicaux on étudie d’un pays à l’autre. Avec la participation des citoyens des deux villes, une exposition photo Regards Croisés a aussi eu lieu avec le soutien de l’Alliance Française de Bucaramanga, la capitale du Santander.
J’ai aussi apporté mon soutien à l’organisation d’une foire de l’artisanat, Tetraktys a choisi de s’allier à différents acteurs colombiens pour aider les artisanes de Zapatoca à valoriser leur travail et à mieux vivre de leur production. La coopération anime aussi des modules de formation pour toute la communauté et soutient des projets qui développent l’attrait touristique du village. Le jury, auquel Crolles a participé, a notamment choisi de financer le projet d’un jeune géologue qui souhaite faire connaître aux habitants et aux personnes de passage les trésors géologiques dont regorge la région. Une brochure a aussi été créée afin de recenser et valoriser les sites d’intérêt de la ville et orienter les visiteurs.
Un nouveau maire a été élu à Zapatoca en janvier de cette année. Très enthousiaste à l’idée de poursuivre cette coopération, je l’ai aidé à se familiariser avec le projet et à faire connaissance avec l’équipe de Crolles.
Les deux villes ont souhaité que leur coopération se fonde pour une bonne part sur l’éducation. C’est l’Ecole de la Paix qui a organisé avec les mairies le voyage de 14 étudiants de la MFR à Zapatoca et des 23 jeunes Colombiens à Crolles. Au cours des deux premières années, les élèves ont effectué des ateliers d’Education à la Citoyenneté et à la Solidarité Internationale (ECSI) afin d’apprendre à se connaître, à penser leur place dans leur société et leur relation avec le monde. L’ONG a créé un jeu à partir de cette expérience, un outil pédagogique qui animera de nouvelles sessions d’ECSI dans des classes françaises et colombiennes.
Pour cette troisième année, une professeure d’espagnol du collège Simone de Beauvoir a souhaité participer au projet et c’est donc avec sa classe de 4ème et une classe de volontaires du même âge à Zapatoca que de nouvelles sessions d’ECSI ont été réalisées. Les thèmes de travail et de l’échange entre les élèves ont porté sur la déclaration des droits des enfants de l’UNESCO dont on fêtait les 60 ans en 2019. Avec Tetraktys, nous avons aussi sensibilisé les jeunes à des questions du patrimoine afin qu’ils deviennent acteurs de sa préservation et de sa valorisation.
Dans le cadre de la diffusion de la francophonie, j’ai aussi donné des cours hebdomadaires de langue française à cette classe. Je me suis aussi amusé avec des amis à organiser des ateliers culturels pour que les Colombiens découvrent et se familiarisent un peu mieux à notre patrimoine.
La coopération décentralisée entre les villes de Crolles et de Zapatoca est née grâce à la volonté de deux maires souhaitant ouvrir leur ville à de nouveaux horizons, lier de nouvelles amitiés. Ils ont fait pour cela confiance à deux ONG grenobloises, Tetraktys et l’Ecole de la Paix pour que cette collaboration s’appuie sur leurs expertises et se fondent sur les valeurs qu’elles portent. Je me félicite d’avoir accompli mon Service Civique dans ce cadre-là. Plus que de participer à une aventure riche de sens et de réalisations concrètes, j’ai vécu cette expérience sur le plan personnel comme une réalisation des valeurs qui m’animent, comme une continuité de ma formation universitaire et enfin une belle entrée dans le monde professionnel.
Arrivé tout juste à la fin d’un master de Relations Internationales, je désirais continuer d’agir, d’expérimenter et me former à des métiers de coopération et de solidarité. Au cours de ces huit mois, je me suis familiarisé avec différentes institutions du service public et je me suis formé à la gestion de projet en appuyant les différent.e.s chargé.e.s de mission de la coopération. Mon travail a été d’écouter, de comprendre, de répéter, de traduire, de proposer, d’écrire, de trouver des solutions et d’aider des personnes qui ne parlaient pas la même langue à réaliser leurs idées communes. Mon rôle principal était d’être l’agent de liaison entre deux pays qu’un océan sépare, j’ai aidé à tisser des liens entre des organismes très différents les uns des autres et pourtant tous acteurs d’un même projet.
Ce sont des projets de ce genre qui ont motivé mon parcours. J’ai vu dans la coopération internationale des métiers qui permettent d’unir des personnes ou des entités qui à première vue n’avait aucune chance de collaborer afin que des idées – même les plus folles – naissent, connaissent des réalisations, se développent et grandissent au-delà de ce qu’on aurait pu imaginer. C’est dans cette philosophie que travaillent les deux communes soutenues par Tetraktys et l’Ecole de la Paix. Je les remercie chaleureusement pour m’avoir fait confiance et pour tout ce qu’elles m’ont enseigné.
Pour une toute petite chose venue compliquer la vie de tous les humains de la planète, j’ai dû rentrer en France dans la précipitation. Ma mission en Colombie arrivait à son terme mais il a tout de même été troublant de disparaitre d’une communauté qui m’a accueilli durant six mois sans pouvoir dire correctement au-revoir.
Plus que partir en mission, ce bout de vie passé à Zapatoca aura été un temps de joies, de découvertes humaines, culturelles et naturelles. Mon volontariat se retrouve tronqué, les réalisations de fin de mission que je devais effectuer à Crolles n’ont pu avoir lieu et je les termine comme je peux depuis chez moi. Dans ce contexte d’incertitudes il m’est difficile de me projeter pour la suite mais si je suis sûr d’une chose, c’est bien que je continuerai sur la voie de mon expérience colombienne. C’est le cœur lourd que je quitte cette aventure mais heureux sachant qu’elle se poursuivra et continuera de rapprocher nos deux pays. La nature nous interroge aujourd’hui sur notre manière de vivre à la fois ensemble et séparés, sur notre manière de faire société et de nous entraider. Nous n’avons plus qu’à lui offrir les plus belles réponses qui soient.
Hasta luego !
Robin