Après l’interview du Maire de Crolles, Philippe Lorimier, par Daniela Rueda Berdugo, voici comme promis le portrait de la Maire de Zapatoca, Diana Gisela Prada par Léa Woock, notre jeune service civique sur place.
Les semaines avançant dans nos missions en service civique, avec Daniela nous connaissons de mieux en mieux la municipalité dans laquelle nous vivons. Il était ainsi naturel que nous réalisions des portraits croisés des deux Maires du programme de coopération décentralisée. Jusqu’à présent je n’avais pas eu de tête à tête avec Mme Prada, nous nous voyions seulement pour des réunions relatives au projet. L’échange que nous avons eu m’a donc permis d’avoir un nouveau regard sur la « doctora » comme tout le monde l’appelle ici. Celle qui n’a engagé presque que des femmes à la Mairie a pour projet, avant tout, de créer une nouvelle « harmonie entre les Zapatocas ». Pour elle, une ville doit d’abord savoir vivre et fonctionner ensemble. Derrière cette première décision, de donner tous les postes importants de la Mairie à des femmes, il y a la volonté d’apporter un changement dans une ville très conservatrice et dont le pouvoir politique est dominé par les hommes : Mme Prada est en effet la première femme à être Maire de Zapatoca et elle en est assez fière.
Pour commencer, Mme Prada se définit comme « une épouse, une mère et une grand-mère ». Une vision qui n’est peut-être pas très féministe mais qui n’en dit pas moins de son engagement envers les autres, sur « l’amour » qu’elle porte à la population de Zapatoca et dans lequel elle me dit puiser sa vocation de servir la communauté.
Avant d’être Maire de Zapatoca, elle a travaillé pendant plus de vingt ans dans le secteur privé aidant les jeunes les plus démunis à accéder à une éducation supérieure. Née à Bucaramanga, elle n’a jamais quitté la région du Santander, même pour faire ses études. Son seul voyage à l’étranger, elle l’a fait au Vénézuela : la frontière la plus proche de Bucaramanga. Zapatoca est une ville qu’elle connait depuis son enfance, sa famille ayant plusieurs propriétés dans la municipalité. En dehors du temps consacré à la communauté, Mme Prada aime beaucoup profiter de la tranquillité dans la campagne autour de la ville, que ce soit au cours de randonnées ou de sorties à vélo. Elle est très attachée à sa terre natale et au patrimoine du Santander. La vie dans la « finca », ces propriétés perdues dans la montagne où les gens de la ville viennent passer leurs week-ends, est propice non seulement au repos mais aussi à passer des moments de célébration en famille avec ses trois fils et ses petits-enfants, ce que Mme Prada chérit par-dessus tout.
Son engagement envers les autres remonte ainsi à ses années dans le privé. Puis, quand son mari est devenu maire de Zapatoca, entre 2004 et 2008, elle s’est engagée à ses côtés l’aidant à traiter les questions sociales de la ville. C’est pourquoi elle a rejoint le parti conservateur de Colombie afin de s’engager pleinement pour Zapatoca et pouvoir vivre dans cette ville. Afin de se présenter à une élection en Colombie, il faut d’abord être mandaté par un parti ; dans la pratique néanmoins Mme Prada est indépendante, le fonctionnement des partis, ici, étant moins centralisé qu’en France. Elle me disait effectivement que l’affiliation à un parti joue comme un appui mais qu’il n’est pas significatif pour autant.
Au cours de son mandat, Mme Prada souhaite placer avant tout l’humain au centre de ses préoccupations. Le slogan de la Mairie, sous son mandat, « de todo para todos », de tout pour tous, illustre cette volonté. Si l’harmonie entre les citoyens est son moteur, plus concrètement elle a deux grands objectifs. Le premier est faire de Zapatoca une ville attractive. Comme je l’avais expliqué dans mon article sur la jeunesse, la ville n’offre que très peu d’opportunités. De fait, j’ai remarqué que beaucoup de Zapatocas allaient faire leurs études et réaliser leur vie professionnelle ailleurs pour mieux revenir sur leur terre d’origine. De cela, Mme Prada en est très consciente et c’est en partie pour cette raison qu’elle souhaite faire la promotion de la ville et y développer le tourisme.
Si elle devait définir Zapatoca en trois mots, ce serait « tranquilidad y clima de seda » : la tranquillité et le climat de soie. Deux qualificatifs, qui, à mon sens, sont deux grandes qualités pour une ville en Colombie. Zapatoca se trouve en effet relativement éloignée des problématiques liées au conflit et quand on vit dans un lieu au climat doux dont la température oscille entre 20 et 25 degrés toute l’année, cela ne peut pas être plus parfait !
Il s’agit ainsi pour elle de développer tout ce potentiel afin d’apporter une nouvelle dynamique au sein de la ville. Elle-même définit les Zapatocas comme une population entreprenante, regorgeant d’idées et très accueillante. Des caractéristiques qui me rappellent beaucoup la population de Crolles et la définition qu’en fait M. Lorimier. A l’instar de Daniela j’ai été accueillie à bras ouverts ici, et, en peu de temps je suis devenue « la francesa de Zapatoca » (la Française de Zapatoca) : j’ai vraiment le sentiment de faire partie de la communauté.
Son second grand objectif concerne l’amélioration de l’évacuation des eaux dans le centre de Zapatoca : un des croisements de rue est systématiquement inondé lors de fortes pluies. C’est aussi ce qui l’a le plus marqué en un an et demi de mandat ; que la Mairie prenne ses responsabilités pour éviter aux familles d’être inondées lui semble nécessaire et représente une de ses priorités.
Le projet de coopération décentralisée avec Crolles fait aussi partie de ses attentes durant son mandat. Au cours de notre discussion elle m’a avoué admirer la différence d’organisation entre la France et la Colombie. Elle trouve qu’en France tout y est plus cadré ; il est vrai qu’ici il est impossible de prévoir quelque chose une semaine à l’avance. A mon sens, et selon mon expérience après deux mois dans la ville, je pense que la principale difficulté vient de notre notion différente de l’anticipation : j’ai l’impression que les colombiens ont du mal à se projeter dans le temps. Cela dit, c’est ce qui fait toute la saveur de la vie ici : on ne sait jamais à quoi s’attendre ! Pour la Maire le projet constitue une véritable opportunité pour Zapatoca. Elle m’expliquait que lorsqu’elle a commencé son mandat, la convention de coopération était déjà lancée et qu’elle n’avait pas trop eu le choix que de l’accepter, non sans en être ravie. Néanmoins, elle ne pensait pas qu’elle mènerait une coopération internationale durant son mandat et n’était pas préparée. De fait, elle me racontait qu’elle découvrait un peu tout le fonctionnement au fur et à mesure d’un tel projet, qui, de plus, n’est pas si commun en Colombie.
En découvrant un autre pays et une autre collectivité les Zapatocas s’ouvrent à de nouvelles perspectives. Selon Mme Prada, l’approche par la jeunesse pour mener à bien le projet de coopération est un des aspects les plus positifs. Elle m’expliquait que beaucoup de jeunes d’ici ne connaissent rien d’autre que le Santander et que leur donner cette ouverture d’esprit est un réel avantage, dont l’impact va se ressentir sur l’ensemble de la commune. En outre, elle attend beaucoup de sa venue en France, un pays dont finalement elle sait peu de choses en dehors des différents clichés que l’on entend ici. Elle est très curieuse de connaître Crolles et Grenoble dont la similitude avec Zapatoca et le Santander l’intrigue. Elle voit dans sa venue à Crolles l’occasion de revenir à Zapatoca avec de nouvelles expertises pour sa collectivité. En découvrant comment fonctionne une municipalité française, comment est structuré le tourisme en France, elle espère rentrer avec des idées innovantes et ainsi améliorer le fonctionnement de sa commune.
En somme, Diana Gisela Prada est une personne qui met du cœur dans ce qu’elle entreprend. Elle est toujours à l’écoute de ses concitoyens afin de répondre au mieux à leurs attentes et en quête de nouvelles expectatives pour sa municipalité.