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Le carnet de Rachel : un vote historique aux côtés des colombiens !

Depuis plusieurs semaines, la société colombienne s’embrase au sujet des élections présidentielles. En effet, c’est un scrutin historique que vient de vivre la Colombie : les premières élections présidentielles depuis la signature des Accords de paix avec l’ex guérilla des Farc.

C’est vraiment étonnant pour moi de vivre de l’intérieur cette si forte polarisation de la société colombienne : les débats sont houleux et les opinions bien tranchées car le pays devait choisir entre deux extrêmes. En effet, à la suite du premier tour qui a eu lieu le 27 mai, au cours duquel se sont affrontés six candidats, il restait dimanche 17 juin deux candidats en lice : Iván Duque le candidat de la droite conservatrice et libérale (parti : Centre Démocratique) et Gustavo Petro le candidat d’extrême gauche ancien militant du mouvement de guérilla M19 (parti Colombie Humaine). Duque l’a finalement emporté avec 54 % des voix, contre 41,7 % pour Petro.

Mariangelica Vasquez célébrant la victoire de Duque

Les deux grands enjeux de ces élections étaient les Accords de paix et l’immigration vénézuélienne. Les deux candidats ont des visions radicalement opposées sur ces deux sujets : Duque, dans la lignée de l’ex-président Alvaro Uribe, voudrait réformer les accords signés avec les Farc pour les rendre plus contraignant pour les chefs rebelles et stopper les accords en cours avec l’ELN. Il a fait campagne sur le thème de la famille, de la sécurité, de la libre entreprise et contre l’immigration vénézuélienne. Petro pour sa part, veut continuer à négocier avec l’ELN et veut renforcer les accords de paix avec les Farc. Il a une politique sociale tournée vers les plus défavorisés et porte un fort intérêt à la protection de l’environnement.

Le scrutin ne laisse donc personne indifférent, à Zapatoca et dans toute la Colombie on vit les débats politiques à la télévision, on s’enflamme sur les réseaux sociaux, et on a enregistré pour ces élections un taux record de participation : plus de 19 millions de colombiens se sont déplacés lors du premier tour.

A Zapatoca, on vote à l’Instituto Tecnico Santo Tomas (ITST – institution scolaire partenaire du projet de coopération Crolles-Zapatoca), les professeurs, les employés de la mairie et de certaines entreprises sont tirés au sort pour assurer le bon déroulement du vote. De plus, des observateurs externes sont déployés par l’Etat dans toutes les communes pour répertorier d’éventuelles irrégularités. La sécurité du scrutin est assurée par la police qui est renforcée pour l’occasion. J’ai eu la chance de pouvoir entrer à l’ITST et voir le déroulement des élections pour le premier tour. Le processus est sensiblement le même que chez nous : les colombiens votent dans les écoles et sont répartis par table selon leur numéro de carte d’identité. Pour voter, ils doivent montrer leur carte d’identité, ils prennent ensuite leur bulletin de vote, qui est une grande feuille A4 sur laquelle apparaissent tou(te)s les candidat(e)s et leurs vice-président(e)s en photo. Ils se retirent alors dans un petit isoloir sans rideaux et doivent faire une croix sur le ou la candidat(e) pour lequel ils veulent voter. Enfin, ils plient le bulletin et le mettent dans l’urne.  

Le bulletin de vote en Colombie

A Zapatoca, on vote à large majorité pour Duque, car il représente la sécurité, m’explique Mariangelica Vasquez, 23 ans qui vote pour la deuxième fois de sa vie pour les présidentielles. En effet, en ville je ne vois que des panneaux d’affichage en faveur de Duque, et un bureau de soutien au candidat de droite. Zapatoca est une ville qui a été très touchée par la guérilla (Farc et ELN), les gens ont donc un fort attachement à Alvaro Uribe, ancien président et allié de Duque qui a contribué à rendre les campagnes plus sures. Mariangelica m’explique également qu’il est impensable pour elle, comme pour beaucoup de colombiens d’élire un ex-responsable de la guérilla car sa famille en a été victime. Selon elle, les sentiments se lient à la décision politique : la douleur et les ressentiments pour avoir perdu un membre de sa famille, ses biens ou encore avoir été déplacé influent sur le vote.

Affiche pour la campagne de Duque à Zapatoca

La division du pays est donc d’ordre socio-économique mais également géographique : les tensions sociales de « classe » persistent dans un pays très inégalitaire et il existe une forte division entre les habitants des villes et de campagnes, ces derniers ayant été affectés par la guerre plus directement. 

Les partisans de Petro, bien que déçus par le résultat, n’en restent pas moins optimistes m’explique avec conviction Othoniel Diaz Otero, 60 ans. Pour lui, c’est une chance incroyable pour le pays qui s’ouvre démocratiquement pour la première fois depuis 25 ans : jusque-là il n’y avait le choix qu’entre le conservatisme et le libéralisme, aujourd’hui la gauche colombienne a montré qu’elle pouvait renaitre en toute sécurité. Pour une fois, il n’a pas eu peur d’aller voter, il m’explique que ce sont les premières élections sans attentat et sans violence. Les accords de paix ont permis de démystifier le discours sécuritaire de la droite et laisser place à un débat de société plus large sur la justice sociale. Il est fier d’avoir vécu l’évolution du pays et espère que ses enfants, et les générations futures connaitront une vraie sécurité, non pas grâce aux armes mais grâce à un système juste qui garantisse la paix, l’égalité, l’éducation et un emploi stable et digne pour tous.

Othoniel faisant campagne pour Petro sur la place principale de Zapatoca

Vous l’aurez donc compris, malgré une très forte polarisation, tous les colombiens sont fondamentalement d’accord pour en finir avec cette guerre fratricide, retrouver un pays en paix, sans impunité et dont la réconciliation nationale est le but.

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