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Les peuples précolombiens

Chères lectrices, chers lecteurs,

A travers mes carnets de bord je me propose la mission de vous emmener à chaque fois en voyage de l’autre côté de l’Atlantique. Je vous invite à partir cette fois-ci avec Ismael Umania, conservateur du musée des peuples précolombiens de Zapatoca.

A moins que vous ne soyez historien ou anthropologue, j’imagine que comme pour moi, lorsque l’on vous évoque le terme de «peuples précolombiens », quelques noms de civilisations vous viennent en tête mais vous admettez bien vite que vous n’y connaissez tout de même pas grand-chose. Et pourtant, il y en aurait des choses à connaitre ! Des humains vécurent plus de 10 000 ans sur des territoires plus vastes et avec des écosystèmes plus divers que ceux que l’Europe peut offrir. Des milliers de cultures différentes coexistèrent et se succédèrent de l’Alaska à la Terre de Feu. Chacune proposait une vision de l’homme, de son origine, de l’univers, chacune avait ses coutumes, ses pratiques sacrées et des méthodes pour produire de l’artisanat.

 « Il y a quelque chose d’universel dans toutes les cultures humaines. C’est d’avoir un rapport au sacré, des explications sur l’origine du monde et des moyens pour l’exprimer. A leur arrivée, les espagnols nièrent la culture de ces peuples, dérobèrent les métaux précieux et imposèrent le christianisme comme seule vérité philosophique et spirituelle. En les définissant comme des sauvages pas plus raffinés que des animaux, ils cachèrent et détruisirent les messages laissés au fil des siècles par ces millions d’êtres humains à leur descendance, à nous. » Ismael

Céramique Tayrona

Plus de 2 000 pièces d’artisanat des peuples précolombiens ont été récupérées par le département du Santander et il a été décidé que ce serait Zapatoca qui aurait la mission de les conserver et de les présenter au public au travers d’un musée. J’ai assisté à son inauguration au mois d’octobre et il faut dire que la collection ne manque pas de charme.

 « Le gouvernement colombien n’a jamais eu une bonne conduite vis-à-vis du témoignage des peuples préhispaniques. Ce n’est qu’à l’université que l’on peut étudier l’Histoire de nos ancêtres, la grande majorité des colombiens n’a aucune idée de la richesse qu’ils nous ont laissé. Avec ce musée nous désirons conserver et faire connaître des pièces que des particuliers gardaient comme bon leur souhaitait, qu’ils avaient souvent trouvées par hasard ou en cherchant de l’or. Nous avons mis douze ans à construire ce musée, ce fut grâce à beaucoup de sueur mais surtout à beaucoup de chance, on peut dire que les esprits ont été avec nous ! » Ismael

Aujourd’hui, la première salle du musée est ouverte au public, d’autres devraient être ouvertes plus tard pour exposer le restant des pièces. Six cultures y sont représentées. Faute de plus de traces écrites ou archéologiques, nous ne connaissons généralement qu’assez peu de choses sur les peuples qui nous ont laissé ces œuvres. Cependant les techniques et les motifs de représentation qu’ils utilisaient, les zones dans lesquelles les pièces furent retrouvées et la datation approximative qu’on peut en faire permettent aux anthropologues de distinguer les cultures les unes des autres. On leur a donné des noms, bien souvent inventés en fonction de la zone géographique dans laquelle ils vivaient.

Culture Calima. Comme la plupart des céramiques qui sont parvenues jusqu’à nous, il s’agit d’objets du quotidien de ces civilisations. Ici sans doute un récipient pour transporter l’eau.

 

Culture Nariño, ces statuettes semblent représenter la maternité, la première à gauche serait une scène d’accouchement, celle au milieu d’allaitement. Les représentations anthropomorphiques de cette culture distinguent généralement bien le genre et la hiérarchie dans la société ainsi que les étapes de la vie.

 

Culture Quimbaya, le style de ces statuettes d’argile aplaties et rectangulaires facilite la reconnaissance de cette culture.

 

Culture Tumaco, un orchestre est ici représenté. On a retrouvé de nombreuses céramiques en forme de coquillage ou d’autres éléments naturels qui permettaient de reproduire le bruit des oiseaux ou d’autres sons de la nature.

 

La culture Tumaco produisait des visages anthropomorphiques et zoomorphiques d’une grande subtilité. A la fin de leur période ils découvrirent même comment émailler leurs céramiques pour les faire briller. Il est très difficile d’interpréter ces représentations. Seraient-ce des dieux, des esprits, des animaux, des rêves ?

 

Céramiques Tayrona, ce peuple vivait sur la côté caribéenne. De gigantesques plateformes de pierre ont été retrouvées au fond de la forêt amazonienne, c’est sur celles-ci qu’ils construisaient leurs villages.

 

 

Céramiques Guane. Cette culture est avant tout connue pour sa production de textile. Ces céramiques servaient semble-t-il à imprimer les tissus comme un tampon (à gauche) et en faisant rouler la pièce  afin de reproduire des motifs (à droite).

Les Guane étaient, à l’arrivée des espagnols, le peuple vivant dans le canyon du Chicamocha juste à l’Est de Zapatoca. Zapatoca signifie d’ailleurs en langage Guane La mort du père sur la montagne. Le père étant le soleil, les Guane le voyaient se coucher sur la montagne où s’étend aujourd’hui la commune. Ils s’éteignirent très vite après l’arrivée des conquistadors. On sait que ces derniers avaient été surpris par leur peau très claire « couleur miel » mais la plupart des messages qu’ils nous ont laissés resteront sans doute à jamais sans réponses.

 

Peintures rupestres Guane, photos prises dans les communes voisines de Zapatoca. Ces peintures ont été retrouvées pour la plupart en hauteur sous des abris rocheux des falaises. Chemins funéraires ou connexions avec le ciel, beaucoup de recherches pourraient encore être faites pour en apprendre sur ceux qui ont habité ces terres.

Il ne s’est pas formé en Colombie d’empire aussi grand que celui Inca dans l’actuel Pérou ou celui Aztèque dans l’actuel Mexique. Cependant les traces qu’ont laissées les humains qui ont foulé cette terre démontrent qu’ils ont maintenu au fil des siècles une grande diversité quant aux pratiques sociales, politiques, économiques et religieuses dans une géographie très changeante. Nous déplorons les pertes provoquées par la domination européenne qu’ont connue ces territoires depuis. De très nombreuses œuvres inconnues des chercheurs demeurent disséminées partout sur Terre chez des collectionneurs privés. Bien plus sont encore enfouies dans le paysage colombien. Des conservateurs comme Ismael consacrent une vie de travail pour permettre à ces vestiges de continuer à traverser les siècles en portant leurs enseignements à l’humanité. Et nous avons sans aucun doute beaucoup à apprendre de ces merveilles ! Un voyageur en Colombie ne manquera sûrement pas de venir en admirer au musée de l’or de Bogota. Il pourra aussi s’asseoir à l’ombre au pied des statues immenses du parc de San Augustin ou encore randonner plusieurs jours dans la forêt tropicale et parvenir à la cité perdue du Tayrona.

A bientôt !

Robin

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